Comment s’épanouir en tant que personne hypersensible

Dans ce monde bruyant, être hypersensible représente un défi. Mais en apprenant à gérer l’accablement, vous pouvez aussi en récolter les avantages.

par Jadzia Jagiellowicz, chercheuse sur l’hypersensibilité (HSP) et fondatrice de la Société des personnes hypersensibles. Traduit de l’anglais.

Jadzia Jagiellowicz a obtenu son doctorat sous la supervision d’Elaine Aron et mène des recherches scientifiques sur l’hypersensibilité (personnes hypersensibles) depuis 20 ans. Elle a contribué à un ouvrage de référence sur l’hypersensibilité publié en 2020. Elle offre également de l’information et du soutien aux personnes hypersensibles, s’appuyant sur sa vaste expertise dans le domaine. Elle vit au Québec, au Canada.

En 1997, les psychologues Elaine et Arthur Aron ont identifié un groupe de personnes présentant des niveaux de sensibilité sensorielle exceptionnellement élevés. Ces individus décrivaient être dérangés par le bruit, les odeurs et les textures, comme le vacarme de fond dans les restaurants, l’odeur de parfums très forts ou la sensation de certains vêtements, et ainsi de suite. Les Aron ont rapidement découvert que la sensibilité de ces personnes allait au-delà des sens pour inclure également une sensibilité émotionnelle et une vie intérieure complexe. Sur la base de ces observations et d’autres similaires, les Aron ont proposé le concept des personnes hypersensibles. Les premières recherches estimaient que les hypersensibles représentaient entre 15 et 25 % de la population, bien que des études plus récentes indiquent que ce chiffre pourrait atteindre jusqu’à 31 %.

Je travaille avec des personnes hypersensibles, leur offrant des conseils pour les aider à gérer leurs différences et à bien vivre. Si vous avez l’impression que vous êtes une personne hypersensible, ce guide est pour vous : je vais vous aider à mieux comprendre votre sensibilité et vous montrer des moyens de vous épanouir malgré et grâce à votre nature sensible.

Pour se faire une idée de ce que peut être la vie d’une personne hypersensible, considérons l’expérience d’Emma lors d’une rencontre de voisinage (l’histoire d’Emma est fictive mais inspirée des récits réels de clients sensibles avec lesquels j’ai travaillé). Peu après son arrivée à la rencontre, elle remarqua que son amie Maria, l’hôtesse, semblait étrangement silencieuse, son sourire ne touchant pas ses yeux. Pendant que les autres discutaient et profitaient de la soirée, Emma s’approcha doucement de Maria, qui lui confia être dépassée par le travail et les responsabilités liées à l’accueil. L’empathie d’Emma offrit un réconfort, créant un lien significatif. Plus tard, Emma remarqua que la musique était trop forte, non seulement pour elle mais pour plusieurs invités, et demanda discrètement à Maria si elle pouvait baisser le volume, rendant l’environnement plus agréable pour tout le monde.

En tant que personne hypersensible, la conscience accrue d’Emma envers le monde qui l’entoure enrichissait souvent ses relations et son environnement. Ses amis appréciaient sa profonde empathie et sa capacité à exprimer des émotions qu’ils avaient du mal à formuler. Emma excellait également dans les activités créatives ; sa sensibilité lui permettait de remarquer des détails subtils et de s’inspirer de la beauté dans les petites nuances de la vie, comme les couleurs éclatantes d’un coucher de soleil ou la mélodie complexe d’une chanson. Cependant, Emma faisait aussi face à des défis particuliers et significatifs dans la vie : elle était vulnérable à l’épuisement émotionnel et certains environnements stimulants, en particulier les lieux publics, la laissaient épuisée.

L’hypersensibilité est une différence génétique et biologique. Votre sensibilité ne se manifestera peut-être pas exactement comme celle d’Emma, mais si vous êtes une personne hypersensible, il est très probable que vous remarquiez davantage ce qui se passe autour de vous, et avec plus de détails que la moyenne, et que vous réfléchissiez plus profondément à ces expériences. Vous êtes probablement également plus affecté par vos expériences, pour le meilleur et pour le pire, et ce, depuis votre naissance.

Bien que le fait d’être une personne hypersensible s’accompagne d’un ensemble de traits et d’attributs qui peuvent vous aider à mieux vous comprendre et à comprendre vos expériences, ce n’est ni un trouble de santé mentale ni un diagnostic neurodéveloppemental. Certains des traits associés à l’hypersensibilité, comme la sensibilité sensorielle et la réactivité émotionnelle, se chevauchent avec les symptômes de divers diagnostics psychologiques. Pour qu’un diagnostic de trouble soit posé, les symptômes doivent interférer de manière significative avec votre vie quotidienne pendant une certaine période. Si vous avez des préoccupations concernant votre santé mentale, veuillez consulter un professionnel.

Les personnes hypersensibles pensent et ressentent différemment

Si vous êtes comme la majorité des personnes hypersensibles, vous êtes probablement quelqu’un de très attentif aux détails, autant dans votre vie personnelle que professionnelle. Votre sens du devoir et votre attention exceptionnelle aux détails, comme mes collègues et moi l’avons observé, peuvent être des atouts précieux dans plusieurs milieux professionnels. Toutefois, une qualité aussi précieuse peut devenir un fardeau si elle prend une tournure trop obsessionnelle.

En tant que personne hypersensible, votre capacité à réfléchir en profondeur et à synthétiser des informations disparates pour créer des idées nouvelles fait sans doute de vous quelqu’un de plus créatif que la moyenne. Un sondage récent mené auprès de près de 300 adultes a révélé que les personnes ayant un haut niveau de sensibilité sensorielle étaient aussi perçues comme plus créatives. Les chercheurs David Bridges et Haline Schendan avancent que cet avantage créatif provient de différences neurologiques, notamment d’une activité accrue dans les réseaux neuronaux qui détectent et traitent l’information provenant de l’environnement.

Vous possédez aussi probablement une capacité accrue à percevoir les émotions des autres, ce qui se manifeste souvent par une empathie plus développée. Des études ont établi un lien entre cette empathie renforcée et une plus grande activité dans l’insula, une région du cerveau connue pour son rôle dans la représentation des états émotionnels d’autrui.

Être une personne hypersensible : entre forces et défis

Être profondément empathique et créatif, ça peut ressembler à un superpouvoir. Mais l’hypersensibilité s’accompagne aussi de défis bien concrets. Une empathie très développée peut mener à un sentiment de surcharge dans des contextes sociaux ou émotionnellement intenses. Par exemple, la recherche montre que les parents hypersensibles interagissent avec plus d’empathie et de créativité avec leurs enfants, mais qu’ils trouvent parfois moins de plaisir dans leur rôle parental en raison de l’intensité émotionnelle que cela implique. De la même façon, vous pourriez être plus vulnérable à , surtout lorsque les exigences professionnelles augmentent.

Ce guide a pour but de vous aider à vous épanouir en apprenant à mieux gérer votre hypersensibilité, et en développant des stratégies pour naviguer dans des environnements stimulants ou des situations sociales exigeantes. Dans mon travail auprès de personnes hypersensibles, j’ai pu constater qu’avec les bons outils et une approche bien adaptée, il est tout à fait possible de transformer votre manière unique de penser et de ressentir en une force pour bâtir une vie en harmonie avec vos valeurs.

Quoi faire

Comprendre et accepter votre hypersensibilité

Il existe plusieurs questionnaires qui peuvent vous aider à mieux comprendre votre propre hypersensibilité. Une option intéressante est la version la plus récente de l’Échelle des personnes hypersensibles (Highly Sensitive Person Scale) développée par les Arons, que vous pouvez télécharger gratuitement en ligne.

Une autre option est le Questionnaire sur la sensibilité au traitement sensoriel (SPS-Q), développé par Véronique M. J. De Gucht et ses collègues de l’Université de Leiden, aux Pays-Bas. Lui aussi est disponible gratuitement en ligne, et il vous fournit un diagramme visuel de vos résultats.

Ce questionnaire divise l’hypersensibilité en six dimensions et vous invite à évaluer votre degré d’accord avec différentes affirmations. Voici quelques exemples pour chacune des six dimensions :

  • Réactivité émotionnelle et physique : Je suis facilement bouleversé·e par des changements dans ma vie.

  • Sensibilité aux stimuli internes et externes subtils : Je suis sensible aux tensions physiques internes.

  • Confort sensoriel : Je peux vraiment apprécier une activité relaxante (l’accord indique une sensibilité plus faible).

  • Inconfort sensoriel : Je trouve les sons agressifs très dérangeants.

  • Sensibilité socio-affective : Regarder quelqu’un dans les yeux me donne une bonne idée s’il dit la vérité ou non.

  • Sensibilité esthétique : Je peux être ému·e par la musique ou l’art.

Le profil visuel que vous recevrez compare aussi votre score total à celui d’un échantillon de plus de 4 000 personnes de la population générale, ce qui vous permet de voir où vous vous situez sur l’échelle de sensibilité.

L’hypersensibilité se manifeste sur un continuum – votre niveau peut être peu élevé, très élevé, ou se situer quelque part entre les deux.

Les résultats du SPS-Q peuvent vous aider à mieux comprendre votre conscience sensorielle accrue et votre réactivité émotionnelle.

Les énoncés du questionnaire peuvent vous amener à réfléchir aux façons dont les six dimensions de l’hypersensibilité influencent votre vie personnelle et vos relations avec les autres.
(Rappelons que, comme pour tout questionnaire conçu à des fins de recherche, les résultats sont là pour vous informer, et non pas pour poser un diagnostic officiel.)

Si vous avez obtenu un score élevé au questionnaire, cela ne signifie pas que vous êtes « anormal·e ». Cela signifie simplement que votre cerveau est câblé pour vivre le monde différemment. Accueillir votre hypersensibilité et apprendre à vivre avec elle peut grandement améliorer votre bien-être et vous aider à mener une vie plus riche et épanouissante.
Une confiance en soi calme et ancrée, basée sur l’acceptation de qui vous êtes et de ce que vous ressentez, incite les autres à respecter vos limites.

Apprenez à gérer vos émotions intenses et à remettre en question vos croyances fondamentales

Avant de parler de la gestion de votre environnement ou de comment aborder votre hypersensibilité avec les autres, un bon point de départ consiste à apprendre à mieux gérer l’intensité de vos pensées et de vos émotions.

Votre lien émotionnel profond avec le monde peut vous rendre vulnérable à la rumination – c’est-à-dire à repasser des événements encore et encore dans votre tête. Selon la neuroscientifique Lisa Feldman Barrett, les émotions ne vous « arrivent » pas simplement. En réalité, vous les créez en fonction de vos pensées et de vos croyances face à une situation.

J’ai développé la méthode TRIE (Technique pour Réduire l’Intensité des Émotions), un programme conçu spécialement pour les personnes hypersensibles.

Voici un guide étape par étape, à partir d’une situation qui vous a amené·e à avoir des pensées négatives — par exemple, une dispute avec votre partenaire ou un ami qui vous laisse tomber à la dernière minute :

  1. Repensez à une situation où vous avez ressenti de fortes émotions négatives, comme la colère ou la peur. Qu’est-ce qui a déclenché ces émotions ? Est-ce quelque chose que quelqu’un a dit ou fait ? Quels mots exacts, ou quels comportements précis, vous ont fait réagir ?

  2. Décrivez ensuite vos émotions. Quelles pensées vous sont passées par la tête ? Ces deux premières étapes vous obligent à préciser vos inquiétudes, afin de pouvoir ensuite les travailler.

  3. Répondez à vos pensées négatives par des pensées plus rationnelles.
    Par exemple, imaginons que le déclencheur de votre peur soit la crainte que votre partenaire, insatisfait de votre relation, veuille divorcer. Vous êtes inquiet·ète, car un ex-conjoint vous a déjà surpris par une demande soudaine de divorce.
    Vous pouvez répondre à cette pensée négative avec une réponse rationnelle comme : « C’était à ce moment-là, dans cette relation-là. Ce n’est pas la même situation aujourd’hui. » Ce rappel vous aide à faire la différence entre votre passé et votre présent. Votre nouveau partenaire pourrait réagir tout à fait autrement. Il est possible de trouver des solutions ensemble. Essayez d'appliquer cette rationalité calme à votre propre situation.

  1. Une autre stratégie que j’ai souvent vue fonctionner chez mes clients consiste à se rappeler : « Les personnes hypersensibles sont faites pour réagir intensément. Réagir fortement ne veut pas dire que la situation est dangereuse. »

  2. Finalement, félicitez-vous pour avoir utilisé une pensée rationnelle. Votre cerveau associera cette pensée rationnelle à une émotion agréable — celle de la fierté ou du soulagement. Pour maintenir ces émotions positives, il se rappellera plus facilement d’utiliser cette pensée à nouveau dans le futur.

Avec le temps, vous remarquerez peut-être que vous avez tendance à avoir les mêmes pensées de peur ou de colère dans la majorité des situations inconfortables. Ces pensées récurrentes reflètent souvent vos croyances fondamentales personnelles.

Les croyances fondamentales sont les idées les plus enracinées que vous avez sur vous-même, sur le monde, et sur les autres — souvent formées tôt dans votre vie. En tant que personne hypersensible, vous êtes particulièrement susceptible de développer des croyances négatives telles que :

  • « Je suis trop sensible. »

  • « Je suis trop facilement dépassé·e. »

  • « Pour être aimé·e, je dois toujours être d’accord. »

Ces croyances peuvent nuire à votre estime de soi et à votre capacité d’adaptation.

Vous pouvez apprendre à répondre à vos croyances négatives et améliorer votre image de vous-même.

Imaginons que vous êtes profondément blessé·e parce qu’un ami proche a oublié votre anniversaire. Reprenez les deux premières étapes mentionnées plus haut, puis continuez ainsi :

  1. Demandez-vous quelle croyance fondamentale sous-tend vos pensées et émotions dans cette situation.
    Dans ce cas, le fait que votre ami ait oublié votre anniversaire pourrait réveiller une croyance comme : « Je ne suis pas aimable. »

  2. Plutôt que de répondre à la pensée immédiate, répondez directement à la croyance de base.
    Vous pouvez remettre en question cette croyance et constater que l’oubli de votre anniversaire n’était probablement pas intentionnel. En y repensant, vous réalisez que votre ami traverse une période difficile au travail et a simplement été pris dans son propre stress.

  3. Félicitez-vous encore une fois. Comme précédemment, cela renforcera l’association entre votre interprétation plus bienveillante et le sentiment positif de vous être félicité·e.

    Pratiquer la pleine conscience

    Une autre façon de mieux gérer des émotions envahissantes est de pratiquer la pleine conscience – c’est-à-dire porter une attention complète au moment présent, sans jugement. On entend souvent parler de pleine conscience, mais le est particulièrement bénéfique pour les personnes hypersensibles.

    Une manière de la pratiquer, c’est de vous immerger totalement dans une activité que vous aimez vraiment, qui demande toute votre concentration – comme un match de squash, de la peinture ou de la lecture. Cela dit, je vous recommande une forme de pleine conscience qui tire parti de votre sens du détail. Voici une méthode à essayer :

     

    Trouvez un endroit tranquille dans la nature où vous ne serez pas dérangé·e.

    Laissez votre téléphone à la maison ou éteignez-le, et apportez un fruit à manger. Prévoyez entre 45 et 60 minutes pour votre pratique. Beaucoup d’exercices de pleine conscience durent moins longtemps, mais comme vous êtes hypersensible et que vous portez naturellement plus attention à ce qui vous entoure, vous avez besoin de plus de temps pour vraiment vous concentrer sur les détails. Ensuite, portez votre attention à chacun de vos sens, un à la fois :

     

    La vue

    Qu’est-ce que vous voyez au loin ? Et tout près ?
    Souvent, ce qui empêche d’être pleinement présent, c’est une trop grande stimulation. Alors, prenez le temps d’observer les objets proches, plutôt que ceux au loin. Regardez les formes autour de vous. Comment les feuilles sont-elles disposées sur leurs tiges ? Quel est le motif des veines dans les feuilles ?
    En hiver, remarquez les motifs dans la neige. Le vent a-t-il formé des petites dunes ? Voyez-vous des traces d’animaux ?

    Le son

    Restez immobile et écoutez.
    Au début, vous entendrez peut-être une sorte de « mur de sons ». Puis, à mesure que vous portez attention, vous commencerez à distinguer des sons individuels. Est-ce que le son est fort ou doux ? Aigu ou grave ? Se répète-t-il souvent ? Y a-t-il un rythme ? Une mélodie ? Ce son a-t-il un but ? Par exemple, un écureuil qui vous gronde lorsque vous traversez son territoire ?

    Le toucher

    Tendez la main et touchez ce qui vous entoure.
    Qu’est-ce que vous ressentez au contact de la roche ? En quoi est-ce différent de la terre ?
    Comment les feuilles sèches s’effritent-elles dans votre main ? Est-ce qu’elles se brisent d’un coup, ou en étapes ? Que ressent-on au toucher des graines ? Sont-elles lisses, rugueuses, pointues ? Ont-elles des indentations, des petites attaches ?

    Le goût

    Prenez le fruit que vous avez apporté et commencez à le mâcher lentement.
    Observez les sensations dès la première bouchée – est-ce juteux, collant, croquant ?
    Remarquez la douceur, ou toute autre saveur qui se développe. Prenez votre temps pour sentir les changements de texture et de goût à mesure que vous mâchez.

     

    L’objectif de ce genre d’exercice de pleine conscience est de renforcer votre capacité à rester dans le moment présent, sans porter de jugement – ni sur vous-même, ni sur ce qui vous entoure. Il ne s’agit pas de réfléchir au passé ni de s’inquiéter de l’avenir.

    Plus vous vous entraînerez seul·e, dans un endroit calme, plus vous allez développer cette habileté à rester centré·e dans votre quotidien. Et avec le temps, cela vous aidera à mieux gérer votre hypersensibilité, même dans des situations stressantes.

    Éviter la surcharge

    Votre environnement — autant les objets qui vous entourent que les personnes avec qui vous interagissez chaque jour — peut vous affecter beaucoup plus intensément que quelqu’un de moins sensible.

    Une façon efficace de gérer la surcharge sensorielle, c’est d’identifier votre seuil de tolérance quotidien — le point à partir duquel les stimulations deviennent trop nombreuses. Pour ça, vous pouvez utiliser une technique que j’ai développée et que j’appelle le « suivi de surcharge » (overwhelm tracker en anglais). L’idée est de suivre vos réactions face aux situations stressantes du quotidien, chaque jour pendant 14 jours. Vous aurez besoin d’un journal pour commencer. Gardez-le avec vous tout au long de la journée :

     

    Voici comment faire :

    • Jour 1 : Notez la date en haut de la page, puis tracez une ligne verticale comme un thermomètre. Gardez votre journal à portée de main.

    • Quand vous vivez votre première situation stressante de la journée, faites une petite marque au bas du thermomètre. À côté, décrivez la situation qui a causé le stress (ex. : « Les gens à la table voisine dans le café parlent trop fort ») et nommez les émotions intenses ressenties.

    • À la deuxième situation stressante (ex. : « Mon/ma partenaire a critiqué ma conduite »), faites une nouvelle marque plus haute sur le thermomètre. Décrivez encore la situation et les émotions ressenties.

    • Continuez ainsi pour chaque nouvelle situation stressante (peut-être qu’un chien du voisinage n’arrête pas d’aboyer, par exemple), jusqu’à atteindre le point où vous ressentez une détresse si intense que vous agissez d’une façon qui ne vous ressemble pas — crier après quelqu’un, dire quelque chose que vous regrettez et qui pourrait nuire à une relation importante (personnelle ou professionnelle), ou encore vous effondrer au point de ne plus être capable de faire vos activités quotidiennes normales, comme cuisiner, faire l’épicerie ou nettoyer la maison.

    Ce point-là représente votre seuil personnel de surcharge émotionnelle pour cette journée.

     

    Faites cet exercice chaque jour pendant deux semaines, puis prenez le temps de relire votre journal.

    En regardant en arrière, vous allez probablement remarquer combien de situations stressantes vous êtes généralement capable de gérer avant d’avoir une réaction émotionnelle intense. Vous verrez aussi quels types de situations vous affectent le plus.

    Vous pourrez ensuite utiliser cette information pour mieux planifier vos journées à l’avenir. L’objectif est de limiter le nombre et le type d’événements qui vous font dépasser votre seuil moyen de surcharge émotionnelle.

     

    Modifier votre environnement pour éviter la surcharge

    Pour éviter d’atteindre ce point de bascule, vous pouvez apporter des changements concrets à votre environnement.

    • Si vous avez un bureau à la maison, pensez à investir dans des stores opaques ou des rideaux coupe-lumière pour contrôler l’intensité de la lumière.

    • Pour gérer le bruit, utilisez des bouchons d’oreilles ou des écouteurs antibruit.


    Si vous devez aller dans un bureau partagé, profitez de vos pauses pour sortir à l’extérieur et profitez de tout espace vert disponible. Essayez de marcher jusqu’au bureau en passant par des espaces verts comme des parcs ou des cimetières. Essayez de planifier au moins 30 minutes par jour dans un espace vert ou d’interagir avec la nature d’une façon ou d’une autre. Même regarder des fourmis qui rampent sur le béton à l’extérieur d’une tour de bureaux compte.

    Un environnement calme à la maison peut aussi offrir un refuge contre la surcharge sensorielle. Réorganisez votre domicile afin d’avoir moins de désordre et plus d’organisation. Faites une liste des choses que vous aimez regarder, écouter, goûter ou toucher, et intégrez-les chez vous. Par exemple, si vous aimez la sensation de chaleur et de douceur, travaillez enroulé dans une couverture douce lors d’une froide journée d’hiver. Prenez un bain chaud quand vous vous sentez stressé. Gardez un toutou près de votre ordinateur et serrez-le quand vous approchez de votre seuil personnel de surstimulation. Ayez à portée de main votre chocolat chaud ou vos grains de café préférés pour vous offrir une agréable sensation gustative. Et, si cela ne vous stimule pas trop, mettez votre liste de lecture favorite en musique de fond pendant que vous travaillez.


Expliquez votre sensibilité aux autres

Les personnes hypersensibles sont une minorité, alors la plupart des gens que vous rencontrez dans la vie ne penseront ni ne ressentiront comme vous. Ils peuvent être complètement inconscients de ce dont vous avez besoin pour bien fonctionner. Pourtant, se sentir accepté et compris par ceux qui vous entourent vous aidera à ressentir moins de stress et à profiter d’une meilleure santé et d’un plus grand bonheur. Pour cette raison, il peut être utile de parler de votre sensibilité à vos proches. Voici quelques conseils pour le faire de manière constructive :

  • Présenter votre hypersensibilité aux autres. Au bon moment (idéalement quand l’autre personne est calme et disponible), voici quelques faits que vous pourriez partager à votre sujet — bien sûr, n’hésitez pas à adapter le vocabulaire à votre style personnel :
    « Entre 15 et 30 % des gens ont un trait appelé hypersensibilité. C’est biologique, transmis génétiquement. J’ai ce trait. Je perçois plus de détails dans mon environnement et je suis meilleur pour combiner ces détails avec des informations que je connais déjà. Comme mon cerveau traite toutes sortes d’informations, je peux vivre des émotions et des pensées très intenses. Cela me permet de remarquer plus de détails et d’être plus empathique. Ça veut aussi dire que je réagis plus intensément à ce que je reçois, ce qui peut me faire être submergé émotionnellement plus rapidement que des gens moins sensibles. »

  • Partagez un exemple concret de votre expérience. Vous aurez vos propres histoires à raconter, mais voici un exemple du genre d’anecdote qui peut aider l’autre à comprendre en quoi vous êtes différent :
    « Imagine qu’on rencontre un inconnu à un événement de réseautage. Toi, tu remarques le nom de sa compagnie et ses vêtements tendance. Moi, je remarque ça aussi, mais en plus, une bague au petit doigt qui montre qu’il est ingénieur, et la marque de ses chaussures, populaire à New York. Pendant que tu passes à autre chose dans la conversation, moi je me demande s’il pourrait être un ingénieur de NYC et si ce serait impoli de lui demander. À ce moment-là, le sujet a changé et je ne peux pas participer. Cinq autres personnes se joignent à nous, je prends des détails sur eux et me rappelle le nom des chansons qui jouent, mais le sujet change encore avant que je puisse contribuer. Quinze minutes plus tard, je suis frustré, épuisé et je me sens exclu. »

 

Revenons une dernière fois à l’histoire d’Emma.

En conduisant vers la maison, Emma repensait à la soirée. Elle se sentait reconnaissante pour sa capacité à se connecter et à contribuer. Cependant, sa sensibilité était une épée à double tranchant. Les événements bondés, comme cette rencontre, devenaient vite trop stimulants pour elle. Le bourdonnement des conversations, les lumières vives et l’agitation générale lui vidaient son énergie. Emma se retrouvait aussi profondément affectée par la critique; des remarques que d’autres auraient ignorées restaient souvent gravées dans son esprit, menant au doute de soi.

Elle reconnaissait désormais son besoin de solitude. Le lendemain matin, elle se rechargeait dans son jardin, entourée du chant des oiseaux et de la beauté apaisante de la nature. Emma embrassait sa sensibilité comme un don, l’utilisant pour approfondir ses liens, trouver l’inspiration créative et apporter de petits changements significatifs à son environnement.

Apprenez-en davantage


Poser des limites pour les personnes hypersensibles

Comme mentionné, il y a des preuves que les personnes hypersensibles sont généralement plus empathiques que la moyenne. Peut-être est-ce pour cette raison que j’ai remarqué que mes clients hypersensibles ont souvent tendance à mettre les autres avant eux-mêmes. Peut-être vous retrouvez-vous aussi à vouloir toujours aider les autres. Le risque, c’est que les personnes moins sensibles interprètent votre aide comme une faiblesse et en profitent. C’est pourquoi apprendre à poser des limites peut être si important pour les personnes hypersensibles, comme le détaille Elaine Aron dans son livre The Highly Sensitive Person’s Workbook (1999). Une partie essentielle de cela consiste à apprendre à dire « Non » quand on vous fait des demandes déraisonnables.

Imaginons que votre conjoint ait fait des plans de dernière minute pour rencontrer un ami et vous demande de garder les enfants demain soir. Pourtant, vous avez déjà pris des engagements importants pour cette même soirée — et vous les avez pris il y a deux semaines, ce qu’il sait. Votre empathie pour la situation de votre conjoint pourrait vous rendre difficile de défendre vos propres besoins — mais dans ce contexte, il est tout à fait légitime d’exprimer votre impossibilité de changer vos plans. Voici une façon de faire :

  • D’abord, reformulez la demande de l’autre personne avec vos propres mots. Par exemple, dans ce cas, vous pourriez dire : « Tu veux que je garde les enfants demain soir parce que tu veux rencontrer un ami de l’extérieur de la ville. » Puis demandez : « Est-ce que j’ai bien compris ? » Cela permet de vous assurer que vous êtes bien d’accord sur ce qui vous est demandé.

  • Ensuite, montrez à l’autre personne que vous comprenez ses sentiments par rapport à la situation : « Je comprends que tu veuilles vraiment voir ton ami, puisqu’il habite loin et que vous ne vous voyez pas souvent. » Cela montre que vous reconnaissez ses émotions.

  • Commencez maintenant à exprimer votre difficulté. N’hésitez pas à dire que vous ne vous sentez pas à l’aise à l’idée de dire « Non », mais qu’il y a une complication.

  • Expliquez votre situation en utilisant le mot « besoin ». Cela peut sembler fort, mais pour les personnes moins sensibles, cela paraîtra ferme sans être agressif. Dites quelque chose comme : « Je ne me sens pas à l’aise de changer mes plans, que j’ai pris il y a deux semaines. J’ai besoin que tu respectes mon droit à prendre du temps pour moi. J’ai aussi besoin que tu respectes le fait que je t’ai informé de mes plans pour vendredi soir il y a au moins deux semaines, afin d’être certain qu’ils ne soient pas modifiés. »

  • Répétez si nécessaire. Il se peut que vous deviez répéter exactement les mêmes mots plusieurs fois avant que quelqu’un respecte votre limite.

Je vous conseille de ne pas expliquer pourquoi vous ressentez cela. La raison, c’est que l’autre personne pourrait utiliser vos explications pour essayer de vous convaincre de dire « Oui ». Par exemple, ne dites pas : « Si je change mes plans, je vais perdre l’argent des billets de théâtre. » Votre conjoint pourrait répondre : « Je vais te donner l’argent des billets. » Plus vous donnez d’explications, plus l’autre trouve de raisons pour vous convaincre de faire ce qu’il veut.

 

Liens et livres

Sur mon site web, j’explique le concept de l’hypersensibilité, je donne des conseils pratiques pour vivre en tant que personne hypersensible, je discute des résultats de recherches, et plus encore.

Sur son site web, Elaine Aron offre une collection complète d’informations sur l’hypersensibilité, des ressources pour les personnes hypersensibles, des événements, des auto-tests, ainsi qu’un répertoire d’experts en psychologie qui accompagnent les personnes hypersensibles.

Sensitive: The Untold Story (2015) est le premier documentaire consacré à l’hypersensibilité. En plus d’interviewer des chercheurs, il présente des personnes hypersensibles, dont la chanteuse et auteure-compositrice Alanis Morissette.

Dans le documentaire Sensitive Lovers: A Deeper Look into Their Relationships (2020), Elaine et Arthur Aron proposent des pistes pour des relations plus habiles et épanouissantes.

Le livre d’Elaine Aron, The Highly Sensitive Person: How to Thrive When the World Overwhelms You (1996, révisé en 2013) est une analyse très complète du trait d’hypersensibilité, par la chercheuse à l’origine du concept. C’est la « bible » de l’HSP. Son essai dans Aeon, The Highly Sensitive Person (2025), décrit la sensibilité sensorielle comme une stratégie innée de survie qui équipe environ 30 % des gens d’un traitement cognitif profond, d’une grande empathie, et d’une étonnante sensibilité aux stimuli subtils — tout en les exposant aussi à la surcharge et au stress.

The Highly Sensitive Person’s Workbook (1999), aussi d’Elaine Aron, est un complément à The Highly Sensitive Person. Il explore en détail les thèmes de la surstimulation, l’enfance, la timidité, le travail, les relations proches, la psychothérapie, les soins médicaux, et la spiritualité.

The Highly Sensitive Child: Helping Our Children Thrive When the World Overwhelms Them (2002), toujours par Elaine Aron, est un excellent aperçu de l’hypersensibilité chez l’enfant. Il inclut un auto-test, discute des enfants hypersensibles avec des parents sensibles ou non, et donne des conseils pour accompagner les enfants hypersensibles de la naissance à l’âge adulte.